L'empire des sensualistes.
On désespère de voir surgir de nos jours un mouvement littéraire ou artistique, tant l'esprit de compétition néolibéral gangrène les créateurs de tout poil, plus enclins à s'entre-tuer et qu'à s'unir par affinités. Toutefois, aux antipodes du trash et du punk, quelque chose est peut-être en train de germer, par génération spontanée, autour d'un retour aux cinq sens et à la thématique de l'amour. Ère du Verseau ? Laissons cela aux astrologues et parlons plutôt de la rencontre d'un écrivain et d'une plasticienne. Il s'appelle R.C. Vaudey, elle Héloïse Angilbert. Sur les rivages de l'océan Indien, ils ont fondé ce qu'ils appellent l'Avant-garde Sensualiste, geste qui aboutit aujourd'hui -- après quelques années passées dans l'ombre -- à un manifeste publié par Gallimard. De quoi s'agit-il ? De cultiver l'exaltation des sens, le hasard, l'imprévu, la jouissance de vivre, la curiosité, l'égalité amoureuse, l'exploration de territoires sensuels que la société de marché étrique. R.C. Vaudey, ajoute : "Contre l'unification et l'uniformisation du monde dont Marx a parlé, nous poursuivons des instants de grâce." Ni jouisseurs ni hédonistes, mais "Libertins-Idylliques" au service de "l'émotion autonome", du "lyrisme expérimental", comme l'illustrent les installations vidéo vivantes d'Héloïse Angilbert. Les sensualistes, inspirés du gai savoir nietzschéen, ne s'adonnent à l'art qu'à condition de rester humains. Au carrefour du situationniste et du tantrisme, le sensualisme pourrait se résumer à ce slogan éminemment politique : rester vivant.
Luis de Miranda.